Pourquoi le thème de la spirale revient-il si fréquemment dans certaines disciplines à connotation méditative ou plus largement spirituelle ?
La spirale est la forme qui permet de continuer l'expansion en repassant par le centre, à des niveaux différents d'intégration et de complexité.
Conçue comme une continuité d'arcs de cercle, la spirale symbolise simultanément ce qui relie et ce qui conduit.
La spirale est une forme privilégiée d'organisation du vivant, aussi bien dans l'infiniment grand (les nébuleuses en spirale) que dans l'infiniment petit (l'ADN), ainsi que dans la nature végétale (le liseron, la glycine, le volubilis, les algues et notamment la spiruline, comme son nom le laisse d'ailleurs supposer...)
Plus précisément, la vie semble privilégier la forme de la double spirale inversée, ainsi de la structure moléculaire de l'ADN en double hélice ou double spirale inversée (exactement ce que capte le radiesthésiste avec son pendule).
Dans un domaine moins scientifique et plus ésotérique, Janine FONTAINE a constaté que les sept chakras du corps humain se prolongent chacun en une spirale qui se développe d'un cercle à un point et s'inverse pour former de nouveau un cercle à partir d'un point.
Symbole de l'énergie vitale, la kundalini, le serpent de l'énergie, s'enroule en deux spirales opposées autour du tronc central de l'être, la colonne vertébrale : ces deux lignes sont les deux nadis, courants subtils positif et négatif, ida et pingala.
Ce symbole, d'origine hindoue, a été repris dans le monde occidental par le caducée des médecins (le bâton d'Hermès), qui représente deux serpents enroulés en sens opposés.
Ce symbole est proche du double enroulement autour d'un axe vertical immobile qui représente le "Solve et coagula" de l'alchimie (soit l'association de la séparation et de la dissolution, d'une part, et de la réunion et la coagulation, d'autre part), évoquant ainsi une double spirale inversée.
Le célèbre symbole du yin / yang taoïste, popularisé chez nous y compris dans la publicité la plus matérialiste, évoque aussi dans sa figuration une double spirale inversée.
Selon Louis CHARPENTIER, le pélerinage de Saint-Jacques de Compostelle se déroule sur un itinéraire affectant la forme d'une double spirale inversée : la spirale, née en France, et qui forme une sorte de jeu de l'oie, se continue dans la péninsule ibérique par une autre spirale, homologue de celle de France, mais inverse par rapport à celle-ci, donnant ainsi lieu à la figure d'une double spirale, que l'on retrouve du reste dans les symboles des pétroglyphes néolithiques du chemin intiatique. On peut noter à cet égard que le jeu de l'oie a un aspect ésotérique et non seulement ludique, et on retrouve le symbolisme de l'oie dans le personnage de la reine Pédauque, c'est-à-dire la reine (initiée) au pied d'oie...
La double torsion est une inversion d'inversion : la logique de l'antagonisme énergétique est une logique de la double contradiction.
Il apparait ainsi que, dans une logique de l'antagonisme énergétique et de la complémentarité des opposés, les oppositions (apparentes ?) sont indispensables pour créer un courant d'énergie : l'équilibre est issu de deux forces contraires agissant symétriquement, et qui sont moins opposées que complémentaires ("contraria sunt complementa", mentionnait le blason de Niels BOHR).
Selon Mircea ELIADE, les croyances impliquant la "coincidentia oppositorum" trahissent la nostalgie d'un Paradis perdu, d'un état paradoxal dans lequel les contraires coexistent sans pour autant s'affronter, et où les multiplicités contribuent à composer les aspects d'une mystérieuse unité ; le désir de recouvrer cette unité perdue contraint l'homme à concevoir les opposés comme les aspects complémentaires d'une réalité unique, les polarités et les antagonismes pouvant être articulés et réintégrés dans cette unité.
Selon Nicolas de CUSE, la coïncidence des contraires est la définition la moins imparfaite qu'on puisse donner de la Divinité et d'après HERACLITE, toute chose naît de la lutte, les contraires s'accordent et une belle harmonie se dégage de ce qui diffère en apparence.
Car Gustav JUNG était passionné par la recherche de l'unité au moyen de la réintégration des opposés : l' homme ne peut atteindre l'unité que dans la mesure où il réusssit à dépasser continuellement les conflits qui le déchirent intérieurement et le laissent souvent en équilibre instable au-dessus de ses gouffres ; JUNG s'est appliqué à déchiffrer les structures de l'inconscient collectif, en vue de faciliter la réconciliation de l'homme avec la partie inconsciente de sa vie psychique et de le conduire ainsi vers la réintégration de sa personnalité.
D'après Roger GODEL, le "jivan-mukta" hindou, le "délivré vivant", transcende le flux du monde phénoménal et se situe dans une conscience-témoin en dépassant les conditionnements et la dualité : cette expérience complète d'ailleurs un comportement fondamental de la vie et de la conscience , le principe régularateur d'intégration dont une expression est l'homéostase, la sagesse du corps. Les dualités et les antagonismes ne réprésentent pas la réalité ultime : en abaissant le niveau de tension des complémentaires, la conscience pure du jivan-mukta, qui se situe au delà des dualités, se réalise en une expérience vécue d'unité retrouvée.
Dans les authentiques arts dits "martiaux", existe la notion de "conflit créateur" : les adversaires deviennent des partenaires ; à la confrontation plus ou moins brutale de deux énergies doit se substituer l'harmonisation de deux énergies en une seule.
Pourquoi dès lors cette récurrence de la forme de la double spirale inversée dans divers domaines de la vie cosmique, biologique ou simplement humaine ?
Il convient d'observer que l'évolution de l'humain sur terre se fait sous la forme d'une double spirale inversée ou de deux spirales opposées :
- une spirale de matérialisation (sens descendant, sortie dans le manifesté, involution), animée d'un mouvement centripète, de l'invisible à la matière, dans la rencontre du Ciel et de la terre, de l'extérieur infini vers l'intérieur limité, qui se manifeste par l'incarnation, la croissance physique, osseuse et musculaire, et le développement de la forme individuelle ;
- une spirale de spiritualisation (sens ascendant, rentrée dans le non - manifesté, évolution), animée d'un mouvement centrifuge, de retour du corps limité vers l'Esprit invisible et illimité, la source cosmique, la fusion dans l'unité divine, et qui peut se manifester notamment par l'art : la beauté exprimée dans l'art, c'est l'inverse du mouvement de l'incarnation.